vendredi 23 septembre 2016

Naître de nouveau

Aujourd'hui j'ai parlé avec un fidèle d'une autre Église chrétienne qui m'a dit avoir lu mon post « Question... de “comment” » dans lequel... il y a quelque temps... je mettais en relation le passage évangélique de l'« aveugle-né » (Jn 9,1-12) avec le concept chrétien-ramirique de réincarnation.
Il a commencé par me dire que cet épisode, étant  « isolé », est en soi insuffisant pour « l'emporter sur » tout le reste de l'Évangile dans lequel il n'y a aucune autre trace du concept de réincarnation.
Pour étayer ces considérations, il a ouvert le livre qu'il avait apporté ( « Cristianesimo e reincarnazione » (Christianisme et réincarnation), Editrice Elle Di Ci, Turin (Italie), 1997) et il a commencé à me lire un passage où l'auteur don Piero Cantoni, dans le cadre d'une série d'observations visant à soutenir sa thèse « anti-réincarnationniste », écrit aussi : « L'unique point où semble attestée, sans équivoque possible, une croyance implicite dans la réincarnation est l'épisode de la guérison de l'aveugle-né en Jn 9,1-12 ».
« Voyez-vous – a tout de suite ajouté mon interlocuteur – don Cantoni, qui explique dans ce livre sa position opposée à la réincarnation, écrit que le point dont vous aussi avez parlé est l'unique passage dans tout le Nouveau Testament, où "semble attestée, sans équivoque possible, une croyance implicite dans la réincarnation"... »
Je lui ai alors dit : « et par rapport à l'épisode de Nicodème raconté aussi par l’évangéliste Jean, qu'est-ce qu'il a écrit ? »...
En parcourant rapidement le chapitre, mon interlocuteur a trouvé ce passage :
« L'épisode de Nicodème est aussi un “lieu classique” de l’interprétation réincarnationniste – et puis, après la transcription du texte de Jn 3,1-10 (*voir en bas de page) don Cantoni continue ainsi – Ne trouvons-nous pas ici, dans l'expression « naître de nouveau » une indication explicite sur la réincarnation, et justement de la bouche de Jésus? Et de plus, avec un reproche envers le pharisien Nicodème qui, en tant que rabbi en Israël, aurait dû être bien informé sur ces choses. Ce qui fait même penser à une doctrine qu'on devait considérer comme évidente dans l'environnement des pharisiens.
Dans ce cas, on peut être induit en erreur par la traduction de la
Volgata latina [Vulgate], suivie par de nombreuses traductions en latin vulgaire : renasci denuo, « naître de nouveau », parce que le texte grec communément admis dans les éditions critiques comporte gennēthē ánōthen, « [qui] naît d'en haut »
... »

Lorsque, dans sa lecture, mon interlocuteur en est arrivé à ces mots, je l'ai interrompu pour lui dire :
« Dommage que don Cantoni, en écrivant cette dernière phrase, montre qu'il ne connaît pas ce qui est aussi attesté par exemple par le célèbre exégète Rudolf Schnackenburg qui, de plus, était justement catholique comme lui. »
Pour lui faire comprendre ce à quoi je me référais, je lui ai mentionné les contenus de la « nota esegetica su Gv 3,3-4 » (seulement en italien, sur mon blog « Sui sentieri del Vangelo di Giovanni ») où... faisant aussi référence, entre autres, à la position de R. Schnackenburg... j'ai mis en évidence que l'expression grecque « gennēthē ánōthen » utilisée par l’évangéliste a comme traduction historiquement attestée, et logiquement correcte, justement ce « naître de nouveau » qu'aujourd'hui de nombreux érudits voudraient improprement exclure... y compris don Cantoni, qui, par ses considérations citées plus haut cherche à s'en sortir superficiellement et « à bon marché ».
« Voyez-vous – ai-je ajouté – si au lieu de faire passer Nicodème pour un homme qui se trompe aussi grossièrement sur les paroles de Jésus... on croit l’évangéliste qui le présente comme un noble juif, Maître d’Israël... alors il faut penser que lui, expert dans les Écritures, avait une préparation culturelle suffisante pour lui permettre de bien comprendre les paroles qu'il entendait. Dans cette perspective, le fait qu'il réagisse à ce que Jésus lui a dit, en répondant “Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ?” est pour le moins significatif ».
J'ai ensuite continué le discours en soulignant que les partisans de l'hypothèse de l'équivoque dans laquelle serait « tombé » Nicodème, expriment en réalité leur position subjective et très discutable, parce qu'au contraire... si on en reste à ce que l’évangéliste a écrit... la conclusion à laquelle on arrive est exactement à l'opposé : Nicodème a réagi en se demandant si un homme « Peut entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ? » justement parce que Jésus avait parlé de la nécessité de naître « de nouveau ».
Et aussi parce que... comme je l'ai mis en évidence dans ma note exégétique mentionnée plus haut... le vocable grec ánōthen (qu'on peut traduire soit par « de nouveau » soit par « d'en haut ») utilisé par l’évangéliste, n'a pas comme équivalent, dans la langue araméenne parlée par Jésus, un vocable qui pouvait avoir lui aussi ces deux significations... et donc, même de ce point de vue, l'équivoque que beaucoup voudraient soutenir manque en réalité dans le présupposé fondamental... parce que le mot araméen ambigu n'existe pas du tout.

Et si parler d'équivoque n'a pas de sens... alors les paroles de Nicodème attestent que Jésus a justement exprimé la nécessité qu'un être humain naisse  « de nouveau ».
C'est à ce concept que Nicodème réagit en posant une question concernant la possible renaissance « dans le sein d'une mère »... à propos de laquelle, il est absolument significatif d'observer comment Jésus ne nie pas cette possibilité, comme Il aurait dû le faire s'Il avait considéré absurde l'idée de réincarnation contenue dans la question qui Lui était posée.

Le dialogue avec mon interlocuteur de ce jour s'est conclu ici et, quand nous nous sommes salués, il m'a dit qu'il allait y penser un peu »...
Si vous voulez, vous pouvez vous aussi le faire, peut-être en allant jeter un coup d’œil sur le passage « Il colloquio con Nicodemo » (en italien) sur mon blog “Sui Sentieri del vangelo di Giovanni”.


* Transcription du texte de Jean 3,1-10 :
« Mais il y avait un homme d’entre les pharisiens, dont le nom était Nicodème, qui était un chef des Juifs.
Celui-ci vint à lui de nuit, et lui dit : "Rabbi, nous savons que tu es un maître venu de Dieu ; car personne ne peut faire ces miracles que toi tu fais, si Dieu n’est avec lui.".
Jésus répondit et lui dit : "En vérité, en vérité, je te le dis, Si quelqu’un n’est né de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu".
Nicodème lui dit : "Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il entrer une seconde fois dans le sein de sa mère et naître ?".
Jésus répondit : "En vérité, en vérité, je te le dis : Si quelqu’un n’est né d’eau et d’Esprit, il ne peut entrer dans le royaume de Dieu. 
Ce qui est né de la chair est chair, et ce qui est né de l’Esprit est esprit.
Ne t’étonne pas de ce que je t’ai dit : Il vous faut être nés de nouveau.
Le vent souffle où il veut, et tu en entends le son ; mais tu ne sais pas d’où il vient, ni où il va : il en est ainsi de tout homme qui est né de l’Esprit.".
Nicodème répondit et lui dit : "Comment ces choses peuvent-elles se faire ?". 
Jésus répondit et lui dit : "Tu es le maître d’Israël, et tu ne connais pas ces choses ? »





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